Caprices des enfants

 

Les caprices sont une façon de tester les limites parentalescaprices

Vous avez dit non et votre enfant n’a pas apprécié ? Il crie, pleure, trépigne, fronce méchamment les sourcils et a envie de se défouler sur son oreiller ? Le diagnostic est sans appel : c’est un caprice ! Même si elles sont un passage obligé de l’enfance, ces colères soudaines déstabilisent souvent les parents, notamment quand elles ont lieu en public… Alors comment s’en sortir et prévenir les crises ? Réponses avec la psychothérapeute Christine Brunet.

 

 

Qu’est-ce qu’un caprice ?

Il s’agit d’un besoin impérieux manifesté par un enfant. C’est l’expérience d’une frustration imposée par les parents qui confronte le petit garçon ou la petite fille à la réalité, à savoir qu’il n’est pas dans la toute puissance. Un bébé ne fait pas de caprices ; il peut lui arriver d’avoir des réactions un peu vives, mais il n’y a pas de colère derrière. Les caprices commencent à partir d’un an, un an et demi, et peuvent s’exprimer de manière plus ou moins intense : quand il est petit, l’enfant crie, se roule par terre, enlève ses vêtements, voire se tape la tête contre les murs – une mise en danger de lui-même qu’il ne faut absolument pas laisser passer. Plus grand, c’est souvent au supermarché que les crises ont lieu : l’enfant veut des sucreries et affiche son mécontentement quand on refuse de répondre à ses désirs.

 

Pourquoi l’enfant fait-il des caprices ?

C’est une façon pour lui de tester les limites que les parents ont fixées, de s’affirmer, de façonner sa personnalité. L’enfant demande un gâteau alors que ce n’est pas l’heure de goûter, il refuse de mettre le manteau rouge et préfère le bleu… Tout cela est assez naturel, c’est la vie. Les enfants qui ne font jamais aucun caprice sont très rares ! L’affrontement avec les adultes permet de se construire, de comprendre les lois et les règles. Un passage obligé avant de se retrouver à l’école et d’apprendre à se calmer… Il y a également les caprices du soir – l’enfant réclame encore une histoire, refuse de se coucher – qui révèlent une anxiété à l’approche de la nuit.

 

Et puis les crises sont également un moyen d’attirer l’attention des adultes et de détourner la tension qui peut exister chez les parents. Les enfants sont des éponges, c’est pourquoi il est toujours important de remettre les caprices dans leur contexte et de les nuancer : les parents sont-ils angoissés en ce moment ? L’enfant est-il fatigué ? Vient-il d’avoir un petit frère ? Tout cela peut donner lieu à des crispations.

 

Comment réagir aux crises ?

Inutile de mettre une étiquette sur l’enfant et de lui faire honte. Je me souviens, il y a quelques années une maman est venue me voir avec sa fille de 12 ans qu’elle a présentée comme ‘Mlle Ronchon’. C’est terrible parce que la petite grandit avec un stéréotype dans la tête. Il ne s’agit pas pour autant de céder car cela n’aide pas l’enfant à se construire. Il faut rappeler la règle, être ferme dans son intonation et dans son regard, mais sans crier. Je pense qu’il peut être également très utile de faire diversion. Proposer un petit jeu, le responsabiliser en l’incitant à mettre le couvert, regarder ensemble des photos de Noël : tout cela calme énormément l’enfant et l’aide à surmonter sa frustration. Il ne faut non plus hésiter à parler de soi, de son enfance. C’est quelque chose que les petits apprécient beaucoup. Dire par exemple : « Est-ce que moi je me mettais en colère comme ça quand j’étais enfant ? On demandera à papi et mamie ce soir. » Il est toujours important de verbaliser – « je comprends que tu ne sois pas d’accord mais on va faire comme ça » – et de féliciter l’enfant quand il réagit bien. Pour les caprices du soir, la mise en place de rituels (veilleuse, porte ouverte) aide à dédramatiser le coucher.

 

Comment surmonter l’épreuve de la crise en public ?

Il est vrai qu’un caprice est bruyant et que les parents ont le sentiment de passer pour de mauvais éducateurs. Encore une fois, on peut détourner l’attention de l’enfant en lui proposant d’aider, en disant par exemple : « Va chercher le chocolat que ton papa aime beaucoup, ça lui fera plaisir. » En cas de grosse crise, dans un supermarché par exemple, on peut s’excuser auprès des autres clients, qui seront sans doute agréablement surpris ! Et puis cela entrainera l’enfant à présenter des excuses.

Je pense aussi qu’on peut limiter les colères en prévenant le petit avant de partir : « Je vais au supermarché pour remplir le frigo, je n’achèterai pas tout ce qui te fait envie. » Dans tous les cas, le fait d’anticiper – préparer la tenue du lendemain avec lui la veille, lui annoncer 5 minutes avant que l’heure du bain approche, etc. – permet d’éviter bien des caprices. Et cela témoigne également d’un respect pour l’enfant.

 

Propos recueillis par Natacha Czerwinski.

 
 

Par Christine Brunet, Psychologue clinicienne et psychothérapeute

 

 

2 ans à 3 ans : colères et caprices

Pourquoi tant de crises ?

Votre enfant commence à bien parler, en associant des mots, il en comprend des centaines et vous pouvez lui expliquer de nombreuses situations. Mais dans le même temps, ses colères explosent facilement, durent de façon peu supportable et sont difficiles à calmer. Comment alors ne pas se dire qu'une fessée « ne ferait pas de mal », surtout en présence de personnes extérieures, qui observent et s'agacent, jugeant clairement qu'« il y a des fessées qui se perdent ! ».

Il faut bien comprendre qu'entre 2 et 5 ans un phénomène de maturation du cerveau favorise ces colères incontrôlables : le cortex, la zone superficielle de nos hémisphères cérébraux, est déjà bien développé. Les circuits du langage y font circuler les informations : vos paroles sont entendues, transmises dans des zones où elles sont décryptées, vos explications comprises.

Mais, plus profondément, un système de cellules qui forment le « tissu limbique » régule les humeurs. Et celui-ci est immature jusqu'à 5 ans. Lorsque la contrariété survient, parce que le message enregistré par le cortex est antinomique de la volonté immédiate de l'enfant, la saute d'humeur est difficile à contrôler par lui, même s'il comprend le bien-fondé de vos arguments. La colère jaillit et se poursuit ensuite de façon autonome, indépendamment du conflit déclencheur.

Selon votre réaction, elle sera longue à apaiser et ce mode de fonctionnement risque de s'installer pour devenir, petit à petit, une habitude. Ou au contraire, la maturité s'installant, les colères vont s'espacer, se raccourcir et devenir exceptionnelles. Il est donc important que vous en compreniez leur caractère physiologique et que vous, les parents, mais aussi tout adulte présent, sachiez réagir de façon adaptée.

 

Il se roule par terre...

Gérer la « persévération »

 

Ce que vous faites :

- Je ne vois pas comment calmer ses colères, me dit ce père excédé. Je l'emmène faire de la trottinette au parc, il est content... mais nous vivons dans la crainte d'une crise. Tout en est prétexte : nous ne pouvons pas lui octroyer un sixième tour de manège, ou bien il faut descendre de la balançoire après avoir bloqué la nacelle pendant dix tours... je redoute de l'en extirper : il va se raidir et résister, puis, une fois hors de l'espace, se mettre à hurler, s'asseoir au milieu de l'allée sous le regard étonné des autres parents. Je l'attrape par le manteau, le redresse, mais il devient aussi lourd qu'un sac de pommes de terre, toujours hurlant. Insortable ! Alors je tape, et je vous assure qu'autour de moi tout le monde me comprend...

- Et cela se reproduit-il souvent ?

- Tous les week-ends ! La sortie du dimanche devient ma hantise...

- Et pendant la semaine ?

- Il est à la crèche, et, paraît-il, adorable !

- Aucun adulte ne le tape, à la crèche ?

Il est étonné de ma question...

- Non, évidemment. Il n'y fait pas ce genre de crises !

- Mais vous croyez que s'il en faisait, les éducatrices taperaient ?

- Non... Je crois que c'est interdit.

- Oui, les châtiments corporels sont interdits dans les crèches. Ce qui veut dire qu'en cas de colère il y a d'autres solutions...

- Nous nous y prenons sûrement mal. Comment réagir ? J'essaie ensuite de lui expliquer de savoir renoncer à son activité la prochaine fois, mais je sais que ce sera pareil. Nous avons aussi droit aux mêmes scènes à la maison, quand il faut éteindre la télévision ou le sortir du bain.

 

Le vécu de l'enfant :

Visiblement, ce sont les changements d'activité qui posent problème à ce petit. Un phénomène psychique se rencontre fréquemment à cet âge : la persévération.

L'enfant pense en boucle, le circuit lancé ne parvient pas à s'interrompre, et l'angoisse l'envahit si on lui demande de briser la boucle mentale de façon soudaine et menaçante. L'affolement, la peur de la colère parentale, s'ajoutent alors au malaise de devoir interrompre la « fixette » de la pensée : je tourne sur ce manège, je me balance... Les hurlements s'organisent sous l'influence de la colère parentale en miroir, cris, résistance et fessées font partie du rite. Les sermons, les explications a posteriori n'interpellent que le cortex. Et les circuits profonds provoqueront la même réaction en effet au prochain week-end. Les colères se cristalliseront et ce d'autant plus que l'étiquette sera bientôt collée à l'enfant : « C'est un coléreux. »

 

Ce qu'il faut faire :

Avant de penser à réagir, il faut se dire que vous pourriez mieux agir et prévenir la colère. Les enfants ne vivent pas toujours au rythme des adultes : le papa se fait un plaisir d'offrir à son fils toutes les joies du parc, manège et balançoire... Mieux vaut éviter les ruptures, le laisser plus longtemps dans la même activité. Emmener des symboles qui lui permettent de suivre le nombre de ses tours de manège, par exemple une marionnette sur chaque doigt. Lorsqu'il passe en vous saluant, vous lui montrez les mains. Á la fin de chaque tour, vous enlevez une marionnette. C'est le principe de visibilité : l'enfant a besoin de voir le temps. Lorsque l'activité doit vraiment cesser, prenez-le gentiment en partageant son émotion : « Je sais que tu vas être contrarié, il faut descendre. » Et s'il hurle : « Tu as le droit de ne pas être content, mais il faut descendre pour... » et là, donnez-lui un objectif : donner du pain aux carpes... Si la scène survient malgré tout, le contenir affectivement autant que physiquement, en disant doucement : « Oui, Matteo, nous ne sommes pas contents de partir... Mais chut... les oiseaux n'aiment pas qu'on crie... peut-être qu'il y a un hibou qui dort dans l'arbre... ? » Surtout ne pas crier, ne pas frapper, ne pas vous soucier du regard des autres. Une réflexion positive vers eux : « Oui, excusez-moi, il est fatigué... » Il suffira de quelques sorties de cette sorte pour que l'enfant enregistre dans ses circuits la série limitée des tours de manège et les jolies histoires dont vous peuplerez son imagination à la sortie.

Article extrait de L'autorité sans fessées, Robert Laffont, 2010, p. 67-71.

 http://www.laffont.fr/

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Par Edwige Antier, Pédiatre, auteur de "Elever mon enfant aujourd'hui"

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